Pourquoi se mobiliser pour la Francophonie ? Article de Christian PHILIP, Ancien représentant personnel du Président de la République française pour la Francophonie, Président de la Maison de la Francophonie de Lyon, Co-Président du Réseau international des Maisons des Francophonies (RIMF).

 
Christian Philip

Le 8 avr. 2021, Philip Christian <c.philip02@gmail.com> a écrit :

POURQUOI SE MOBILISER POUR LA FRANCOPHONIE ?

Combien de nos concitoyens ne comprennent pas pourquoi certains d’entre nous se mobilisent pour la francophonie ? Parler français en France ne leur paraît pas menacé. Maîtriser l’anglais dans le contexte de mondialisation qui caractérise ce début du XXI° siècle est pour eux une condition de la réussite comme l’accès à une culture américaine que la jeunesse veut s’approprier. 


Ils assimilent francophonie et parler français, ne saisissent pas les enjeux. 


Il est essentiel de se mobiliser pour faire comprendre que ce faisant le français recule, même en France, même si nous n’en avons pas conscience. Il faut aussi expliquer que ne pas se mobiliser en France c’est décourager les autres pays dans le monde où l’on parle encore français de rester francophones avec des conséquences politiques et économiques qui feront reculer notre influence et porter atteinte à nos intérêts. Enfin il importe d’expliquer que derrière la francophonie il y a une conception du monde qui est le nôtre, des valeurs à défendre. 

Le français recule en France. Nombre de nos établissements d’enseignement supérieur développent des parcours dits d’excellence tout en anglais. De grandes entreprises multinationales imposent l’anglais comme langue de travail, même entre Français. Les publicités ou logos en anglais se multiplient. La future carte d’identité serait bilingue français/anglais… Ce faisant, outre la violation de la loi Toubon de 1994, nous ne nous rendons pas compte que c’est une part de notre identité à laquelle nous renonçons.

Certes cette évolution n’est propre ni à la France ni au français ( même constat dans les autres pays européens ), mais nous sommes loin du Québec où, face à une situation identique, on sait réagir. Cela va de la réaction symbolique ( l’émission  » the voice  » est dénommée  » la voix  » ) a surtout un nouveau projet de loi pour renforcer la loi 101 qui impose l’usage du français ( et que les tribunaux font respecter ).  

Le français recule dans le monde. Il ne faut pas croire aux chiffres qui indiqueraient une progression croissante du nombre de francophones. Ils résultent de la progression démographique, essentiellement en Afrique subsaharienne, de pays où le français reste une langue officielle. Mais malheureusement tous les citoyens de ces États ne parlent pas, peu ou mal, le français faute d’un nombre suffisant de professeurs des écoles ( et d’abord en milieu rural) maîtrisant notre langue en partage. Et leurs futures élites se forment de plus en plus dans des universités anglo-saxonnes ( quand ce ne sont pas des filiales d’établissements français qui organisent des formations en anglais dans ces pays !). Qui peut dire que le Liban est encore aujourd’hui un pays francophone hors de la minorité chrétienne ? Combien de sénégalais parlent le français (moins d’1/2 dit-on ) ? Et combien de personnes parlent encore français en Europe centrale et orientale ou dans les pays de l’ex Indochine ? 

A-t-on conscience de cet état de fait, de ses conséquences à court terme ? 

Outre que ce recul se traduit inévitablement par une moindre influence politique, par un recul de nos intérêts économiques, il est aussi une atteinte à notre image. Je réfute l’explication que ce recul serait l’expression d’un sentiment naturel de type post colonial. Pourquoi parler français quand en France on ne le défend pas ? C’est nous qui faisons preuve d’un esprit colonial en pensant que ces pays doivent nécessairement rester francophones. C’est nous qui alimentons ce recul du français par nos comportements en ne sachant pas, par notre aide bilatérale, privilégier les atouts de ces États mais en cherchant surtout à défendre des positions favorisant nos intérêts politiques et économiques.

Pourquoi ces constats sont-ils préoccupants ? Il ne s’agit pas d’un combat contre l’anglais ni d’une défense du français à des fins nationalistes. L’anglais est pour l’heure la langue de communication internationale et il faut savoir parler anglais. Mais cela ne doit pas signifier un monde unilingue anglais. Ceci n’est pas possible. Il suffit de constater le développement de l’espagnol, de l’arabe ou du chinois. Le défi est que le français reste une langue au même niveau. Et si c’est important c’est que notre langue et la Francophonie portent une certaine conception et des valeurs que oui elles défendent de manière spécifique. La Francophonie exprime la volonté d’une mondialisation où la diversité culturelle et linguistique seraient respectées parce que cette diversité permet seule à nos identités propres d’exister. La Francophonie porte les valeurs de solidarité internationale, de promotion des droits fondamentaux. 

Serons-nous capables de renverser la tendance ? Pour ce faire j’ai suscité la création d’un Réseau international des Maisons des francophonies. Il s’agit d’inciter à créer des structures réunissant personnes morales et personnes physiques sur un territoire donné se donnant une mission commune, à savoir mobiliser la société civile autour de la promotion du français et des valeurs de la francophonie. Ensemble, chaque association membre gardant son autonomie et ses objectifs propres, il s’agit d’échanger de bonnes pratiques et de mener des actions communes. Déjà nous réunissons une cinquantaine de Membres sur tous les continents. À travers des universités d’été, d’abord régionales puis une université d’été mondiale, nous ferons des propositions précises et adopteront une feuille de route pour que, dans chaque pays, nous sachions convaincre les plus jeunes à prendre notre relève afin, à travers le français et la francophonie, de construire une mondialisation où la diversité culturelle et linguistique s’imposera, où solidarité et respect des droits fondamentaux seront leur combat.

Christian Philip

Ancien représentant personnel du Président de la République française pour la Francophonie

Président de la Maison de la Francophonie de Lyon

Co-Président du Réseau international des Maisons des Francophonies (RIMF)

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